Chorégies d’Orange 2017

Chorégies d’Orange 2017

CHORÉGIES D’ORANGE 2017

 

Musiques en fête, 7e édition

«Musiques en fête » coproduites par France 3, Morgane production et les Chorégies d’Orange apparaissent de plus en plus, d’année en année, comme un prélude aux Chorégies estivales. Elles connaissent ainsi un succès qui ne se dément pas et cette septième édition, présentée par Cyril Féraud et Alain Duault (d’où un côté people qui a plu à la salle comble – quelque 8000 spectateurs – auxquels s’ajoutaient quelque 1700 000 téléspectateurs en direct) a été une réussite complète. La mise en espace était assurée par le nouveau directeur général des Chorégies, Jean-Louis Grinda, et l’on entendit ce soir-là nombre d’airs d’opéra devenus des classiques mêlés à des musiques de variétés, parfois dites « légères ». Verdi fut évidemment à l’honneur avec des airs puisés dans ses œuvres phares (« Rigoletto », « Don Carlo », « Macbeth », « Nabucco », « La Traviata ») suivi de près par Donizetti (« La Fille du régiment », « Don Pasquale », « Lucia di Lammermoor ») ou Bizet (« L’Arlésienne », « Carmen », « Les Pêcheurs de perles »), ou Puccini (« Tosca », « La Bohème », « Gianni Schicchi ») et bien sûr Mozart (« La Flûte enchantée », « Don Giovanni », « Cosi fan tutte ») ou Offenbach (« La Périchole », « La Belle Hélène »). Côté variétés, Claude-Michel Schönberg et ses « Misérables », des Medley de « Pop the Opera », des opérettes qui firent le succès de Luis Mariano, « Volver » de Gardel ou « Oh Happy Day » avec tout le théâtre ou encore O Riada pour « Women of Ireland » avec le Bagad de Lann-Bihoué sans oublier une Jane Birkin évanescente dans « La Javanaise ». Des chanteuses et chanteurs confirmés tels que Béatrice Uria-Monzon, Seng-Hyoun Ko, Florian Laconi, Armando Noguera, Jean Teitgen, Nicolas Courjal , ou plus jeunes mais pleins d’avenir comme Amélie Robins, Julie Cherrier, Valentine Lemercier, Aude Extremo, Chloé Chaume, et Alexandre Duhamel, Jean-François Borras, Cyrille Dubois, Florian Sempey, Philippe Talbot… L’Orchestre National de Montpellier, remarquable de souplesse et d’entrain, et le chœur de Parme de Stefano Visconti étaient placés sous la direction des deux chefs attachés à ces soirées dès l’origine : Luciano Acocella, expert ès lyrisme, et Didier Benetti, fin connaisseur de la musique de variétés. Beau succès donc pour cette chaude soirée où les jeunes chanteurs de « Pop the opéra » au cœur du théâtre ont manifesté tout au long de la soirée leur enthousiasme (19 juin).

 

Hugo vu par Piave et Verdi : « Rigoletto »

Grande fut la surprise du public, venu nombreux applaudir à la seconde représentation de « Rigoletto », lorsque le directeur général des Chorégies, Jean-Louis Grinda, vint annoncer que le chef Mikko Franck, souffrant, ne pourrait diriger cet opéra ; l’annonce lui en avait été fait tardivement (à 20h00) mais il avait eu la chance de pouvoir joindre in extremis le maestro avignonnais Alain Guingal, chez lui ce soir-là et qui répondit présent ! Il était à Orange à 21h30 et montait au pupitre à 21h45 pile ! Point n’est besoin d’écrire que le public en grande partie ce soir-là originaire du Midi et notamment du Vaucluse lui fit une ovation monstre tant la réputation de ce chef lyrique remarquable est grande. Et de fait, comme on dit, il assuma. Il s’attacha à suivre et diriger avec rigueur et enthousiasme chanteurs et chœur, laissant le plus souvent à l’Orchestre Philharmonique de Radio-France le soin de jouer à la perfection la partition orchestrale. Ce fut un triomphe.

Rappelons que « Rigoletto » avait été une commande de La Fenice de Venise où il fut créé avec un énorme succès en 1851. D’aucuns ont vu dans cette œuvre de Verdi l’esquisse d’une « deuxième manière », prenant le relais des opéras patriotiques des « années de galère » à forte connotation historique. Cet opéra accorde une place importante à la psychologie de ses personnages, beaucoup plus élaborée que dans ses œuvres précédentes ; il s’inscrit dans un cadre social précis, lui conférant une dimension nouvelle, plus fouillée, plus complexe, d’une grande subtilité musicale, mais d’une lisibilité parfaite. Il bénéficia de la mise en scène d’un habitué des Chorégies, Charles Roubaud, qui situa temporellement cette œuvre durant les « Années Folles » ce que les élégants costumes de Katia Duflot exprimèrent à ravir dans une scénographie certes originale d’Emmanuelle Favre – une imposante mascotte, couchée sur le flanc bouche ouverte et langue pendante – mais un peu trop envahissante et bloquant sur l’avant-scène les chœurs ; belles et chaudes lumières de Jacques Rouveyrollis. Distribution de luxe sur le plan vocal, avec dans le rôle-titre l’immense Leo Nucci qui est « LE » Rigoletto de notre temps ; à ses côtés la jeune et belle Nadine Sierra incarna avec une voix cristalline sa fille Gilda : couple père-fille d’autant plus émouvant qu’ils ont tous deux l’âge de leurs rôles respectifs; leur duo « Si vendetta », à la fin de l’acte II, fut tout naturellement bissé. Celso Albelo campa un Duc de Mantoue qui peina quelque peu à s’imposer ; quant à Stefan Kocan, il fut un sombre Sparafucile donnant la réplique à sa sœur somptueusement et sensuellement habitée par Marie-Ange Todorovitch. Les chœurs de l’Opéra du Grand Avignon, des Opéras de Monte-Carlo et de Nice furent parfaits. Spectacle donc en tous points réussi (11 juillet).

 

« Aida » une fois encore ressuscitée

L’égyptologue français Auguste Mariette offrit l’idée d’Aida au librettiste, natif d’Orange, Camille Du Locle qui la mit en forme ; il la proposa à Verdi qui confia à Antonio Ghislanzoni le soin d’en écrire le livret. Lui-même en écrivit la musique pour le tout nouvel opéra du Caire où Aida fut créé le 24 décembre 1871. Radamès, officier du roi d’Egypte, aime Aida, l’esclave éthiopienne d’Amneris, fille du souverain, elle-même amoureuse de Radamès ; celui-ci commande les troupes égyptiennes et les conduit à la victoire. Pour prix de sa victoire, le roi d’Egypte offre à Radamès sa fille Amneris. Si l’on excepte la célèbre scène du triomphe de Radamès et la sonnerie des fameuses trompettes, « Aida » est un opéra intimiste où s’affrontent des personnages finement caractérisés musicalement. Il faut là des interprètes de première grandeur : la soprano américaine Elena O’Connor, nouvelle venue au sein des Chorégies, fut une Aida fragile vocalement confrontée à l’impressionnante mezzo-soprano géorgienne Anita Rachvelishvili (fabuleuse Carmen) qui incarna somptueusement Amneris ; l’excellent ténor Marcelo Alvares campa non sans difficulté un Radamès redoutable pour sa tessiture (Air « Céleste Aida » poussif au début du premier acte) mais tout d’émotion au final aux côtés d’Aida. La soprano Ludivine Gombert fut parfaite dans sa brève intervention dans le rôle de la Grande Prêtresse (magnifique costume), la basse Nicolas Courjal fut un solide Ramfis et Quinn Kelsey, un formidable Amonasro, père impitoyable d’Aida. On oubliera le Roi d’Égypte de José Antonio Garcia qui ne fut grand que par la taille… La réalisation signée Paul-Émile Fourny, qui connaît bien les Chorégies et maîtrise parfaitement le vaste espace de leur théâtre antique faisait référence à l’Égyptomania qui saisit le public tant italien que français au XIXe siècle (évocation, du Musée du Caire, et, au second tableau du IIe Acte, de l’érection de l’obélisque sur la Place de la Concorde à Paris, très beaux costumes tant civils que militaires de l’époque de la Monarchie de Juillet pour les chœurs et figurants) suite à la Campagne d’Égypte de Bonaparte jusqu’à l’inauguration du Canal de Suez en présence de l’Impératrice Eugénie en 1869. La direction musicale revint au maestro Paolo Arrivabeni, grand chef lyrique, à la tête de l’Orchestre National de France, qui maîtrisa avec autorité une partition plus subtile qu’il n’y paraît, assisté par Stefano Visconti coordinateur du vaste chœur. Louons enfin la chorégraphie originale de Laurence Bolsigner-May tant au Ier qu’au IIe acte lors du triomphe de Radamès (5 août).

 

Sempey, le baryton français qui fait fureur

C’est à Bordeaux que le baryton français Florian Sempey a débuté une carrière fulgurante. Il est aujourd’hui âgé de 29 ans seulement et témoignent d’une formidable maturité. On l’avait découvert dans « Musiques en fête » où on l’a applaudi à nouveau cette année. Lauréat de maints concours, les maisons d’opéras se le disputent désormais. Les mélomanes amateurs de beau chant ont pu l’entendre lors d’un superbe récital donné en la Cour Saint-Louis d’Orange, d’abord dans des airs extraits d’opéras de Mozart qui font sa réputation, dans les rôles de Papageno (« La Flûte enchantée »), du Comte Almaviva (« Les Noces de Figaro ») ou de Guglielmo (Cosi fan tutte), mais aussi de Gounod (Mercutio de « Roméo et Juliette »), ou, plus rare, de Meyerbeer (Hoël dans « Le Pardon de Ploërmel »), Donizetti (Enrico de « Lucia di Lammermoor ») et couronnant le tout, dans Rossini qu’il magnifie (Raimbaud du « Comte Ory ») dans cet autre rôle qu’il incarne à merveille : le Figaro du « Barbier de Séville ». En bis il donna un air (le génie d’Aladin) de la comédie musicale d’Alan Menken qui fit les beaux soirs de Broadway avant de faire le tour du monde ! Ce qui caractérise ce talentueux chanteur c’est son engagement ; outre sa voix chaleureuse, il fait vivre ses personnages qu’il incarne avec fougue et passion. Soutenu par le remarquable pianiste accompagnateur qu’est Jeff Cohen, Florian Sempey avec ce récital offrait aux mélomanes orangeois une splendide ouverture de la 46e édition des nouvelles Chorégies d’Orange (8 juillet).

 

Bryn Terfel aux Chorégies : le grand « méchant» baryton-basse

Le géant gallois Bryn Terfel (il mesure 2 mètres !) est sans doute le baryton-basse le plus célèbre du moment, celui que toutes les maisons d’opéras s’arrachent. Il a un « coffre » d’une puissance exceptionnelle et une présence en scène qui éclipse tous ces collègues ! Après avoir dans sa jeunesse (il a aujourd’hui 52 ans) chanté tous les rôles mozartiens ressortissant de sa tessiture, il a abordé tous les personnages maléfiques qui, de l’aube du XIXe siècle à nos jours, hantent les plateaux d’opéra. Il a offert aux Chorégies un florilège de ces « méchants » qu’il affectionne et qu’il campe avec maestria, de Kaspar du « Freischütz » de Weber aux sinistres de la comédie musicale tel Sporting Life de « Porgy and Bess » de Gershwin, en passant par le Iago d’ « Otello » de Verdi, le Méfistophèlès de Gounod (Faust) face au Mefistofele de Boito. Ce récital avait débuté par l’Ouverture de « La Forza del destino » de Verdi ; la « Danse macabre » de Saint-Saëns avait fait suite aux deux airs italiens et l’Ouverture d’ « Orphée aux Enfers » d’Offenbach avait précédé Gershwin, trois pages orchestrales destinées à laisser le chanteur …souffler ! On devait le retrouver en seconde partie de soirée dans Wagner ; précédé par le Prélude du 3e Acte de « Lohengrin », il fut donc le Wotan de L’Or du Rhin » et celui de « La Walkyrie » qu’introduisait une éblouissante Chevauchée. Le Philharmonique de Radio-France sous la baguette de Mikko Franck accompagna brillamment le fringant « bad boy » qui, chaleureusement applaudi, chanta en un premier bis l’air fameux du laitier, protagoniste de la comédie musicale américaine de Jerry Bock, « Fiddler on the Roof » (Un violon sur le toit), « If I were a Rich Man » (Ah ! si j’étais riche !) puis descendit du plateau et vint saluer le public sur le devant de la fosse, au côté du chef pour distiller tout en douceur en second bis une bien belle mélodie galloise. Public subjugué : un grand moment (10 juillet).

 

Une « IXe Symphonie » d’anthologie aux Chorégies

La « IXe Symphonie » de Beethoven occupe dans l’histoire de la musique symphonique une place exceptionnelle ; son influence sur les compositeurs qui succédèrent à Beethoven (Schumann, Brahms, Bruckner, Mahler…) fut décisive. Elles est originale à plus d’un titre ; d’abord par sa dimension temporelle (alentour de quarante-cinq minutes) jamais atteinte jusque là. Elle débute dans l’incertitude comme si le compositeur cherchait sa voie ; suit un deuxième mouvement, « Molto vivace », là où d’ordinaire on trouve un mouvement lent et apaisé ; ce sera le troisième, « Adagio molto cantabile », contrastant avec le formidable mouvement final qui dure aussi longtemps que la « VIIIe Symphonie » de Beethoven toute entière. À l’orchestre se joint alors un vaste chœur mixte, et quatre chanteurs solistes entonnant l’ « Ode à la Joie » du poète Friedrich von Schiller que le chœur reprend avec force. Faut-il rappeler que cette page sublime qui, comme toute l’œuvre à quoi elle appartient a fait le tour du monde, est devenu, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’hymne européen dans un arrangement d’Herbert von Karajan (ce qui ne manque pas de piquant…) ? Les solistes réunis pour ce concert d’exception furent remarquables : la soprano allemande Ricarda Merbeth que les Chorégies avait accueillie pour une précédente IXe de Beethoven déjà en 2011 puis dans « Le Vaisseau fantôme » de Wagner en 2013, reprit sa place aux côtés de la mezzo soprano française Sophie Koch qui avait fait ses débuts naguère à Avignon en 2010 et qui a fait la brillante carrière que l’on sait depuis ; nouveaux venus aux Chorégies le ténor américain Robert Dean Smith qui avait chanté cette partie à Bayreuth lors du 125e anniversaire du festival, et la basse coréenne Samuel Youn, qui incarne avec force le Pizzaro de Beethoven (dans « Fidelio »). Le Philharmonique et le Chœur de Radio-France, impeccables, étaient placés sous la direction de Myung Whun Chung qui fut quinze ans durant le directeur musical de l’orchestre, d’où une intime complicité entre ce chef charismatique et cette belle phalange qu’est le « Philhar »; c’était là son concert d’adieu lui qui laissera un souvenir inoubliable de ses venues aux Chorégies pour les « Requiem » de Verdi (2001) et Mozart (2002, 2006 et 2012 !), de « La Flûte enchantée » (2002), de « Carmen » (2004), de « La Traviata » (2009), de « La Bohème » (2012), d’« Otello » enfin (2014), outre trois concerts symphoniques !  Ce fut très émouvant et le public constitué en grande partie de personnes qui ne fréquentent guère les salles de concert (d’où applaudissements spontanés entre les mouvements) a fait une ovation monstre à l’ensemble des artistes et à leur chef d’où, chose rare, un bis reprenant une partie de final vigoureusement applaudie (16 juillet).

Ce concert, illustré par la projection sur le mur du théâtre antique d’images opportunément empruntées à la « Frise Beethoven » de Gustav Klimt que l’on peut voir dans l’immeuble de La Sécession à Vienne (Autriche), Friedrichstrasse, fut enregistré pour la télévision (France 3) et retransmis en différé sur cette chaine le 2 août en fin de soirée; ce ne pouvait être qu’un pis-aller car le réalisateur ne parvint pas à trouver un équilibre satisfaisant entre le chef, les solistes, l’ensemble orchestral et choral et les images projetées sur le Mur ; d’où une réalisation saccadée peu satisfaisante ; et le bis fut malencontreusement coupé.

 

Ciné-Concert : « Le Fantôme de l’Opéra », une première aux Chorégies

Le roman de Gaston Leroux, « Le Fantôme de l’Opéra » connut six adaptations (officielles) à l’écran. La première est celle qu’on a vu projetée sur le mur du Théâtre antique ; elle date de 1925 est fut réalisée par Rupert Julian. Elle conte l’histoire de cet être à moitié fou, Erik, musicien raté, surnommé « le Fantôme de l’Opéra » (interprété à l’écran par Lon Chaney) qui s’est réfugié dans le sous-sol du Palais Garnier à Paris ; amoureux de la diva Christine Daaé (Mary Philbin), il œuvre pour lui obtenir un rôle de « Prima Donna » lui réclamant son amour en retour ; mais révulsée par la laideur du « fantôme », la cantatrice le repousse et tente de lui échapper avec l’aide de celui qu’elle aime, le vicomte Raoul de Chagny (Norman Kerry). Ce film américain est muet ; on y découvre pourtant quelques séquences tournées à Paris (berges de la Seine, Cathédrale Notre-Dame, Palais Royal et bien sûr l’Opéra Garnier). Plusieurs scènes avaient été tournées en couleur mais seule a survécu la scène du bal masqué… La musique était improvisée depuis un piano par ce maître en la matière qu’est le compositeur Jean-François Zigel, grand spécialiste de musiques qu’il sait créer pour des films muets : « J’ai imaginé (pour « Le Fantôme de l’Opéra ») une musique romantique et mystérieuse, haletante et passionnée, ironique, lyrique et inquiétante à la fois ». Ces propos du compositeur-interprète disent exactement ce que fut sa musique en parfaite symbiose avec l’œuvre cinématographique qu’elle illustrait. Et, clin d’œil in fine : rappelant que le héros s’appelle simplement Erik (avec un « k »), Jean-François Zigel a joué en bis, répondant ainsi aux applaudissements nourris qui avaient salué sa formidable prestation, une page d’… Érik Satie (musicien bien incompris en son temps tout comme le héros du film et qui à certains égards avait pu inspirer Gaston Leroux). Une première bien accueillie qui devrait avoir des suites…(25 juillet).

 

Concert symphonique : « Les Planètes » de Holst et la NASA

Les Planètes est un immense poème symphonique en sept mouvements du compositeur britannique Gustav Holst écrit durant la Première Guerre mondiale et tendant à exprimer une vision astrologique des planètes du système solaire, chacune caractérisée par son titre faisant référence implicitement à la mythologie gréco-romaine. Successivement : « Mars, celui qui apporte la guerre » (mouvement composé en 1914 !), « Vénus, celle qui apporte la paix », « Mercure, le messager ailé », « Jupiter, celui qui apporte la gaieté », « Saturne, celui qui apporte la vieillesse », « Uranus, le magicien » et « Neptune, le mystique ». Chacun de ces mouvements contraste musicalement avec le précédent, rendant l’œuvre qui n’excède pas 45 minutes particulièrement attachante. Ce poème symphonique mobilise un énorme effectif orchestral, en l’espèce ce fut ce soir-là l’Orchestre National de France au grand complet sous la baguette du jeune chef germanique Jesko Sirvend qui faisait ainsi ses débuts aux Chorégies amis qui connaît bien l’ONF, et un important chœur féminin qui chantait hors scène – ici l’Ensemble vocal des Chorégies composé des voix féminines des Chœurs d’Angers-Nantes, des opéras du Grand Avignon, de Monte-Carlo et de Toulon – lors du très beau et très aérien dernier mouvement. En contrepoint, de saisissantes images des planètes de notre système solaire enregistrées par la NASA, illustrèrent ces pages impressionnantes. Le public constitué en grande partie de néophytes sur le plan musical applaudit au terme de chaque mouvement et avec force à la fin du concert, ce qui lui valut en bis un « Clair de Lune » de Debussy de la meilleure eau ! (4 août).

 

Les Révélations classiques de l’ADAMI

Faut-il rappeler que l’ADAMI est une société civile pour l’Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes fondée il y a plus de 60 ans et qui œuvre entre autre à la promotion de jeunes artistes et interprètes tant vocaux qu’instrumentaux. C’est devenu une tradition : chaque saison dans le cadre des Chorégies se produisent ainsi quatre interprètes instrumentaux – cette année la violoniste Irène Duval, le violoncelliste Bruno Philippe, le clarinettiste Amaury Viduvier et le pianiste Tanguy de Williencourt – et quatre interprètes vocaux – la soprano Pauline Texier, la mezzo-soprano Eva Zaïcik, le ténor Blaise Rantoanina et la basse Nathanaël Tavernier. On ne saurait rendre compte des vingt-deux pages qu’ils jouèrent ou chantèrent, mais globalement cette promotion fut aussi brillante que celles des années passées et nul doute que ces jeunes musiciens sont appelés à faire une belle carrière, nonobstant les difficultés du métier aujourd’hui. On aura remarqué la délicatesse d’Irène Duval dans la « Suite Dolly » de Fauré ou, aux côtés de Bruno Philippe, impeccables, dans la « Passacaille pour violon et violoncelle » de Haendel. Amaury Viduvier brilla dans la « Carmen Fantaisie » de Sarasate ; on le retrouva en compagnie de Tanguy de Williencourt (qui accompagna en outre fort bien tel de ses camarades) et de Bruno Philippe dans l’Allegro du « Trio opus 114 » de Brahms fort bien exécuté ; notre pianiste s’illustra dans « La Cathédrale engloutie » de Debussy tout comme dans la « Valse en do dièse mineur » de Chopin. Côté chant, on applaudit à la « Calomnie » de Rossini par Nathanël Tavernier, à la « Carmen » d’Eva Zaïcik (également belle Mallika avec Pauline Texier en Lakmé dans le « Duo des fleurs »), au Pâris (Au Mont Ida de « La Belle Hélène ») d’Offenbach plein de panache par Blaise Rantoanina. Ils purent s’appuyer sur l’accompagnement de Sophie Teulon au piano. Incontestablement un bon cru. Mais c’est ce qu’on écrit chaque année et cela se vérifie ! (11 juillet).

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C’était là la 46e édition des Nouvelles Chorégies voulues dès 1970 par le Ministre de la Culture Jacques Duhamel et le Directeur de la Musique d’alors Marcel Landowski ; elles débutèrent en 1971 sous la direction éclairée sur le plan artistique de Jacques Bourgeois et Jean Darnel qui se révélèrent malheureusement piètres gestionnaires. Ils furent remplacés par Raymond Duffaut en 1981 qui assura désormais la direction générale des Chorégies à la satisfaction de tous jusqu’à son retrait prématuré suite à sa démission en 2015 ; il devait se retirer en 2017 pour laisser place à son successeur désigné par le conseil d’administration, Jean-Louis Grinda. Celui-ci accepta d’assumer la transition entre le départ de Raymond Duffaut et sa prise de fonction officielle en 2018. Les programmations des saisons 2016 et 2017 ont donc été conçues essentiellement par Raymond Duffaut, même si Jean-Louis Grinda fut amené à y mettre sa touche. Une page s’est donc tournée cette année sur deux œuvres lyriques emblématiques qui ont fait les riches heures des Chorégies à maintes reprises sous l’égide de Raymond Duffaut qui a dirigé avec maestria cette association durant trente cinq années !

Place donc à Jean-Louis Grinda qui a d’ores et déjà imaginé les programmations des années à venir à commencer par celle de la prochaine saison qui portera le titre générique « Laissez-vous surprendre… » . De fait pour les mélomanes bien des surprises figureront sur la scène du théâtre antique : et d’abord deux œuvres lyriques de première grandeur et quasiment pour la première fois aux Chorégies, « Mefistofele » de Boito (représenté toutefois le 6 août 1905) et « Il Barbiere di Siviglia » de Rossini ! Ajoutez à cela une »Nuit Russe », grand concert lyrique composé de cantatrices et chanteurs russes évidemment et du premier rayon, un formidable ballet, « La Flûte enchantée » dans la chorégraphie de Maurice Béjart, un Ciné-Concert à nouveau, « Fantasia-Disney » (extraits des versions 1949 et 2000 des films de Walt Disney) avec l’Orchestre National de France et bien sûr les Grands Récitals de la Cour Saint-Louis et le Concert des Révélations classiques de l’ADAMI. Ouverture en juin avec « Musiques en fête » et « Pop the Opera » réunissant comme cette année 600 jeunes chanteurs, collégiens et lycéens de la région PACA. Réservations dès le mois de septembre…

 

 

 

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