Les « Marseillaises » de la Grande Guerre

Les « Marseillaises » de la Grande Guerre

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Depuis sa composition et sa création à Strasbourg en 1792, la « Marseillaise » de Rouget de Lisle a connu un destin mouvementé, que rappelle Martin Pénet dans la notice circonstanciée et détaillée qui accompagne ce CD et qu’on lira avec le plus vif intérêt. Elle a ponctué l’histoire nationale et ressurgi dans ses moments clefs, détournée à droite par les royalistes (en 1830 !) ou les boulangistes (1886-88), proscrite sous le Second Empire, mais récupérée à gauche par les révolutionnaires en 1848 et en 1870-71, (Eugène Pottier écrivit en 1871 les paroles de « L’Internationale » sur la musique de Rouget de Lisle puis l’année suivante, ce fut Pierre Degeyter qui composa la musique que l’on connaît pour ces mêmes paroles). Le gouvernement d’ordre moral du duc de Broglie tint la Marseillaise en suspicion et il fallut attendre 1879 pour qu’elle devienne l’hymne national de la France. En 1914 quand éclata qui serait la « Grande Guerre », la Marseillaise fit l’unanimité sur le plan musical, parée de textes divers destinés à mobiliser les citoyens contre les adversaires austro-allemands, à exalter la Triple Entente et tous les autres alliés (Belges, Serbes, Nippons, Roumains). Ce CD propose un remarquable florilège de ces « Marseillaises » ayant vu le jour durant la Grande Guerre. Douze « Marseillaises » sont ainsi chantées avec conviction et chaleur par l’excellent baryton Jean-Philippe Lafont qu’on ne présente plus, solidement soutenu par Cyrille Lehn qui, expert en la matière, ponctue ce récital de quatre improvisations fort bienvenues. Ces « Marseillaises » sont de toute nature et leurs paroles parfois médiocres mais toujours significatives qu’il s’agisse des « Marseillaises » de 1914 ou de 1915, des « Marseillaises » des morts (musique de F. Boulanger), des usines, des poilus, du 75 (!), de Verdun (paroles et musique d’Henri Courtois), des tempérants (pour dénoncer l’alcoolisme !), de la Victoire, témoignant de l’air du temps et des sensibilités de l’époque, jusqu’à saturation, ce qui nous vaut un « Sabotage de la Marseillaise » pittoresque, paroles de Jean Deyrmon et musique de Gaston Gabaroche dans l’esprit du cabaret montmartrois Le Chat Noir, dénonçant avec verve l’usage abusif de l’hymne national. Une curiosité, cette « Arbeiter-Marseillaise » écrite en 1864 par le poète allemand Jakob Audorf destiné au Parti des Travailleurs Allemands. En outre, Jean-Philipe Lafont se transforme en récitant pour dire deux poèmes d’Armand Varlez publiés en 1916, dédiés à la Marseillaise et à Verdun. Ce CD, hautement recommandable, ne manquera pas de retenir l’attention du grand public féru d’Histoire d’abord mais plus encore les professeurs d’Histoire des collèges et lycées et leurs élèves.

La Grande Guerre en Marseillaises, J.-Ph. Lafont, baryton, C. Lehn, pianiste, 1 CD Hortus 140.

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