Chorégies d’Orange 2021
Les 151eChorégies d’Orange qui devaient se dérouler en 2020 eurent lieu en 2021 du 2 au 31 juillet, précédées des désormais traditionnelles « Musiques en fête » (cette année le 18 juin) retransmises en direct à la télévision sur France 3. Huit manifestations au Théâtre antique et deux autres au Palais des Princes. Je rends compte ici des sept spectacles auxquels j’ai assisté.
Chorégies d’Orange 2021 : un Concert pour mal-entendants
Le violoniste Nemanja Radulovic n’est pas un inconnu dans le Vaucluse ; il a en effet été découvert et applaudi chaleureusement le 31 juillet 2005 à Mondragon lors d’une récital donné dans le cadre de « Musiques dans les Vignes » au hameau de Derboux devant la chapelle Saint-Pierre accompagné par la pianiste arlésienne, disciple de Bruno Rigutto, Laure Favre-Kahn dans la « 8eSonate pour violon et piano » de Beethoven, la 2ede Prokofiev et celle de César Franck ; c’est Raymond Duffaut, alors conseiller artistique de ce sympathique festival vauclusien, qui l’avait judicieusement programmé. Depuis il a accompli la brillante carrière que l’on sait, entouré, depuis 2008, par l’excellent ensemble Double Sens qu’il a fondé, constitué de quinze musiciens serbes et français – quatorze cordes et un clavier ; on ne sera pas étonné de découvrir deux Fontanarosa dans cet ensemble, Guillaume au violon et Stéphanie au clavecin et au piano, lui qui fut un disciple du grand violoniste, chambriste et pédagogue Patrice Fontanarosa au Conservatoire de Musique de Paris. Nouveau venu au sein des Chorégies d’Orange (il avait toutefois fait une apparition dans « Musiques en Fête » le 18 juin 2021), il proposait un programme grand public propre à séduire bien des auditeurs au-delà des simples mélomanes avec « Les Quatre Saisons » de Vivaldi, une page du compositeur serbe Aleksandar Sedlar, « Spring in Japan », et la Suite « Shéhérazade » de Rimsky-Korsakov arrangée par Sedlar pour l’ensemble cordes et piano Double Sens Hélas ! Plutôt que de placer les musiciens sur la scène qui jouit d’une acoustique remarquable, on les installa sur une estrade plantée dans la fosse d’orchestre d’où ils furent sonorisés ! Idée saugrenue qui déforma le son délicat de l’ensemble en le gonflant artificiellement : dix micros et douze haut-parleurs tous azimuts, destinés sans doute à des mal-entendants ! Du coup, Vivaldi que Double Sens et Radulovic interprétèrent avec flamme, ce ne fut plus de la musique baroque mais un salmigondis « bas rock » (pour reprendre une expression lancée par un confrère ahuri comme nous-même). Flamme également dans la composition d’Aleksandar Sedlar, commandée par Radulovic à son compatriote, en hommage aux victimes du tsunami de Fukushima, d’une facture très conventionnelle. Quant à l’arrangement que fit également Sedlar de la Suite « Shéhérazade » de Rimsky-Korsakov, elle était imprégnée d’un romantisme fin de siècle du plus bel effet, si l’on faisait abstraction de la sonorisation. Mais le public fut satisfait et manifesta bruyamment sa joie en applaudissant à tout va et à contretemps. D’ou des bis empruntés au répertoire tzigane (la « Czardas » de Monti par exemple). On saluera pour finir la formidable complicité qui règne entre l’ensemble et son directeur musical qui fait toute sa qualité musicale indéniable. On aimerait les réentendre dans de bonnes conditions…! (2 juillet).
Chorégies d’Orange 2021 : « Samson et Dalila » de Saint-Saëns
Il est toujours délicat de rendre compte d’un spectacle, et spécialement d’un opéra, à partir de la seule répétition générale ; c’est pourtant ce à quoi la presse régionale a dû se plier pour de la représentation de l’opéra de Saint-Saëns « Samson et Dalila » aux Chorégies d’Orange 2021 tandis que quelques privilégiés de la presse nationale étaient conviés à la première et unique représentation de ce chef d’œuvre (le 10 juillet). On put néanmoins se faire une idée de ce spectacle et apprécier le travail accompli qui fut remarquable. La mise en scène du directeur des Chorégies Jean-Louis Grinda (qui avait monté antérieurement cette œuvre dans l’espace plus limité de l’Opéra de Monte-Carlo) était d’une grande sobriété et d’une belle lisibilité. Point de décors mais une scénographie faite de projections vidéographiques en phase avec l’action (Étienne Guiol et Arnaud Pottier) sous les lumières discrètes de Laurent Castaingt, les personnages, protagonistes ou chœurs, étant vêtus des beaux costumes d’Agostino Rivabene. Un cadre magnifique donc dans lequel se sont inscrits avec bonheur les interprètes de ce drame biblique que le public des Chorégies n’avait plus vu dans le théâtre antique depuis une mémorable représentation de 1978. Des treize opéras (dont un inachevé) que composa Saint-Saëns, « Samson et Dalila » est le troisième ; c’est aussi le plus célèbre, un des plus joués du répertoire opératique français. Proche d’un oratorio au moins par le sujet abordé, cet « opéra biblique », longuement élaboré par Saint-Saëns sur un livret de Ferdinand Lemaire qui s’inspira, puisé dans l’Ancien Testament de la Bible, du Livre des Juges, conte l’histoire des Hébreux réduits en esclavage par les Philistins et qui veulent se libérer ; c’est à Samson, un colosse dont la force réside dans son abondante chevelure, qu’échoit le rôle de libérateur guidé par l’ange lumineux de Jahvé ; mais Samson tombe sous le charme de Dalila une superbe philistine qui découvrira le secret de son amant… Samson était incarné par Roberto Alagna, le brillant ténor français qui campa avec fougue et sensibilité à la fois ce personnage hors du commun ; face à lui et à ses côtés la sulfureuse et ensorcelante Dalila de Marie-Nicole Lemieux, l’opulente mezzo, qui, toutefois, sembla s’économiser quelque peu. Les autres interprètes – des hommes essentiellement – n’ont pas démérité bien au contraire : on retiendra notamment le somptueux Grand Prêtre de Dagon de Nicolas Cavallier (prise de rôle) ou le vieillard hébreux de Nicolas Courjal ou encore l’Abimélech, satrape de Gaza, de Julien Véronèse ou le messager philistin de Christophe Berry. Tout comme les protagonistes, ils offrirent au public subjugué une dramaturgie d’une diction parfaite, fait suffisamment rare de nos jours pour être souligné, qui rendait presque le sous-titrage inutile. Les chœurs, celui de l’Opéra de Monte-Carlo associé à celui de l’Opéra du Grand Avignon, furent impressionnants de justesse, portés, tout comme les protagonistes, par un merveilleux orchestre, le Philharmonique de Radio-France, habitué du lieu, qui exalta, sous la direction un peu trop retenue (et sans baguette) d’Yves Abel, une partition d’une richesse inouïe. Ce fut un grand moment d’opéra, digne des grandes heures des Chorégies d’Orange, dont on gardera un souvenir ému (7 juillet).
Chorégies d’Orange 2021 : Concert symphonique
Ce fut sans conteste un des temps forts des Chorégies 2021. Merveilleusement illustrées par le violoniste virtuose Maxim Vengerov et le Philharmonique de Radio-France sous la baguette passionnée et impeccable de son chef Mikko Franck, deux pages des plus classiques du répertoire (quoique romantiques à souhait), le « Concerto pour violon et orchestre en ré majeur » de Brahms et la « 5eSymphonie en ut mineur » de Beethoven. Faut-il rappeler que l’opus 77 de Brahms composé en…1877 (!) et créé en 1878 par le célèbre violoniste et ami de Brahms, Joseph Joachim, est un des quatre grands concertos emblématiques du répertoire violonistique du XIXesiècle européen avec celui de Beethoven (également en ré majeur), celui de Mendelssohn (en ré…mineur) et celui de Tchaïkovsky (celui-ci aussi en ré majeur !) ? Il est redoutable et ne saurait être interprété que par des virtuoses aguerris. Ce fut le cas à Orange où Maxim Vengerov, dans des conditions difficiles (l’emplacement où il était placé, entre le premier violon et le chef, sur le devant de la fosse d’orchestre, ne dispose par d’une bonne acoustique) conféra aux trois mouvements classiques (vif, lent, vif) toute leur beauté : impressionnante cadence du premier mouvement qui éblouit un public fasciné. Le chaleureux deuxième mouvement et le troisième, enflammé, déchaînèrent les applaudissements des auditeurs emballés. Ce qui leur valut un superbe bis, l’Adagio de la première « Partita en sol mineur pour violon seul » de Bach chaleureusement salué lui aussi. En seconde partie de programme, la « 5esymphonie en ut mineur » (Pom, Pom, Pom, Pom !!!) qu’on ne présente plus. Le Philharmonique de Radio-France emporté par son chef Mikko Franck, incisif et fulgurant, brilla de tous ses feux : des cordes soyeuses à souhait, des vents, cuivres et bois, somptueux (on salua notamment la hautboïste qui avait auparavant accompagné finement le violoniste soliste dans le Concerto de Brahms). Et là encore le public fit une « standing ovation » à la phalange de Radio-France, toujours fort appréciée, et à son chef charismatique. Superbe soirée donc (9 juillet).
Chorégies d’Orange 2021 : Concert Cecilia Bartoli
Le « Viaggio italiano » (voyage italien) en compagnie de Cecilia Bartoli était très attendu. Elle devait venir entourée de l’ensemble auquel elle a donné naissance en 2016, « Les Musiciens du Prince – Monaco », des musiciens triés sur le volet, jouant sur instruments anciens correspondant au répertoire qui est celui de cette merveilleuse mezzo, la musique baroque et classique du XVIIIesiècle et du début du XIXe. Las ! L’orchestre qui apparut était constitué de quarante musiciens dotés d’instruments modernes et le programme annoncé ne comportait que deux airs de Haendel, et trois de Rossini (dont l’inusable « Danza ») outre cinq pages orchestrales puisés dans des opéras divers de cette époque. La seconde partie du programme était consacrée à des chansons napolitaines où la diva romaine brilla avec panache et humour, dans des dialogues ou trio avec le hautboïste et le trompettiste soli de l’ensemble ou avec le chef américain Steven Mercurio qui sautillait à tout va quoique de dix ans son aîné, témoigne d’une pétulance et d’un alacrité phénoménales. Cela eût constitué un agréable divertissement si ce concert n’avait pas été sonorisé ! Car le vent tout au long de la soirée s’engouffra dans les micros, couvrant musiciens et cantatrice de ronflements orageux ! Même défaut donc que pour le concert Radulovic qui gâcha le plaisir qu’on aurait pu prendre à écouter et voir la grande Bartoli, incontestablement une des plus belles voix du moment et une comédienne de grand talent. Dommage. Mais le public surmonta l’obstacle et applaudit les artistes à tout rompre ; d’où trois bis, deux chansons napolitaines et un air de l’opéra « Tassilone » d’Agostino Steffani (redécouvert par la mezzo) qui y ajouta « Summertime » de Gershwin, prouvant ainsi que musique classique et musique contemporaine, lorsqu’elles sont de qualité, savent cohabiter ; moment enchanteur (16 juillet).
Chorégies d’Orange 2021 « Ballet for Life »
La représentation du « Ballet for Life » de Maurice Béjart, créé en 1996 par le Béjart Ballet Lausanne, fut un des temps forts de ces Chorégies 2021. Le directeur artistique du ballet est aujourd’hui Gil Roman qui fut un des deux danseurs protagonistes de la création ; la troupe compte aujourd’hui une quarantaine de danseuses et danseurs qu’il faudrait tous citer tant ils surent successivement illustrer à la perfection les musiques contemporaines interprétées par Queen et celles de Mozart mêlées qui constituent ce ballet ; musiques enregistrées bien évidemment dont les références discographiques figuraient dans le programme richement illustré qui accompagnait la représentation. Le titre complet de cette œuvre de Béjart est « Ballet for Life – Le Presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat ». C’est une méditation consacrée à des jeunes gens morts jeunes, fondée sur la disparition prématurée du chanteur Freddy Mercury et du danseur Jorge Donn, décédés tous deux sur les bords du Lac Léman où siège le Ballet de Béjart. De ses ballets, Maurice Béjart disait qu’ils sont des rencontres « avec une musique, avec la vie, avec la mort, avec l’amour… ». Les musiques enregistrées qu’illustraient ici somptueusement les danseuses et danseurs étaient interprétées et magnifiées par le groupe de rock Queen pour les pages contemporaines et puisées dans des enregistrements de référence pour les œuvres de Mozart, des extraits des trois dernières symphonies, de « Thamos », de « Cosi fan tutte » et du « 21eConcerto pour piano » et de la « Symphonie concertante pour violon et alto ». Musiques croisées merveilleusement dansées dans les costumes de Gianni Versace et sous les belles lumières de Clément Cayrol ici réglées par Dominique Roman, sur fonds de vidéos bien en phase de Germaine Cohen. On ne vit pas le temps passer et le public, lors du salut final réunissant les interprètes autour de Gil Roman, applaudit vigoureusement un spectacle parfaitement réglé, tout d’émotion contenue (22 juillet).
Chorégies 2021 Nuit verdienne
La Scala de Milan ayant déclaré forfait pour cause de pandémie, Jean-Louis Grinda eut l’heureuse idée de substituer à la « Nuit italienne », initialement prévue, une « Nuit Verdienne » réunissant sur le plateau du théâtre antique trois chanteurs, de grandes voix, qui distillèrent tout au long de la soirée des airs et duos extraits de six opéras de Verdi entrecoupés d’ouvertures symphoniques permettant aux interprètes de reposer leur voix. On entendit donc et l’on vit jouer successivement deux chanteurs français, le ténor Roberto Alagna qu’on ne présente plus et qu’on venait d’applaudir dans le rôle de Samson, non plus que le baryton Yves Tézier, et bien des mélomanes découvrirent cette formidable basse qu’est Ildar Abdrazakov natif d’Oufa, capitale de ce qui était naguère en Union soviétique la Bachkirie. Ils déployèrent tout leur talent qui est immense tant sur le plan vocal que dramatique et il convient de souligner qu’ils disposent tous trois d’une parfaite diction. On gardera en mémoire l’air de Rigoletto de l’opéra éponyme « Cortigiani, vil razza damnata » que chanta avec émotion et rage mêlées Yves Tézier, l’air de Filippo II tiré du IIeacte de « Don Carlo », « Ella giammai m’amo » lui aussi d’une formidable émotivité qu’exprima avec une puissance contenue Ildar Abdrazakov, tout en nuances et encore l’air de Rodolfo extrait du IIeacte de « Luisa Miller » Quando le sere al placido » que lança avec sa vaillance habituelle Roberto Alagna. Et, in fine, le superbe et célèbre duo Carlo-Rodrigo au IIeacte de « Don Carlo » qu’interprétèrent avec flamme Alagna et Tézier, un bien bel hymne à l’amitié. Standing ovation pour les trois chanteurs qu’accompagna et soutint puissamment l’Orchestre National de Lyon sous la direction experte (mais sans baguette) du chef russe Konstantin Chudovsky qui est, depuis l’an passé, le directeur et chef principal de l’Orchestre d’État du Kremlin. D’où trois bis qui enchantèrent le public : « La Quête » extrait de « L’Homme de la Mancha » de Mitch Leigh et qu’immortalisa naguère Jacques Brel, ici repris magnifiquement par Yves Tézier (sans doute le meilleur baryton français aujourd’hui), suivi de la célèbre mélodie russo-germanique, « Les Yeux noirs » qu’Ildar Abdrazakov, après Chaliapine, offrit au public et enfin, cerise sur le gâteau, la chanson napolitaine par excellence, « Funiculi Funicula » de Luigi Denza, par Roberto Alagna que les trois chanteurs reprirent en chœur pour clore sous les applaudissements cadencés et enthousiastes des spectateurs un concert composé de pages qui sortaient des « tubes » verdiens habituels, d’un niveau exceptionnel et dont on gardera le souvenir (24 juillet).
Chorégies d’Orange 2021 : Ciné Concert, « The Kid » Chaplin
Ce fut avec le désormais traditionnel « ciné-concert », réunissant un millier de spectateurs environ, que s’achevèrent pour nous ces Chorégies d’Orange 2021. Il était consacré à des œuvres cinématographiques de Charlie Chaplin. En introduction, un court-métrage sorti le 4 décembre 1916 et intitulé « The Rink » (en français « Charlot patine »), l’un des douze films que Chaplin produisit et réalisa pour la Mutual Film Corporation ; il y jouait, pour la plus grande joie des spectateurs ravis par ses gags pleins d’imagination, un serveur d’un restaurant et un patineur (patins à roulettes) ; ces films duraient à l’époque vingt-deux minutes environ (deux bobines de 305 mètres). Projeté sur le mur du Théâtre antique (avec ses défauts), cet excellent court métrage caractéristique du style du Chaplin d’alors, muet comme la plupart de ses films, était finement accompagné par la pianiste bien connue et appréciée pour son grand talent tant des Chorégies d’Orange que de l’Opéra-Théâtre d’Avignon, Kira Parfeevets qui improvisa des musiques dont l’inspiration venait d’Europe centrale, illustrant et commentant fort judicieusemnt les images du film. En seconde partie, était projeté « The Kid », premier long métrage de Chaplin datant, lui, de 1921 et qui, sans doute possible, est un des plus grands films du cinéma muet. La musique qui l’accompagnait était de Chaplin lui-même dont on sait qu’il fut aussi le compositeur des musiques de ses films. Ce fut l’Orchestre National Avignon-Provence qui joua cette musique sous la baguette inspirée de sa directrice musicale Debora Waldman ; mais quelle ne fut pas la surprise des mélomanes locaux en entendant leur orchestre résonner étrangement et constater qu’il était sonorisé (comme l’avaient été Radulovic et Bartoli !). Cela lui conférait à coup sûr la sonorité singulière et datée des musiques de films de l’Entre-Deux-Guerres, mais les cordes sonnaient métalliquement et les vents explosaient bruyamment. La solide et limpide direction de Debora Waldman rendit toutefois audible cette musique sensible, au reste bien connue. (27 juillet).
P.S. Debora Waldman m’a assuré que l’orchestre n’était pas sonorisé ; elle avait voulu qu’il sonnât comme un orchestre de cinéma, jouant dans la fosse d’une salle de projection dans les années 20 du siècle précédent. Dont acte.
Chorégies d’Orange 2021 : Bilan
Quel bilan dresser de ces Chorégies 2021 ? Reconnaissons d’abord qu’elles revêtaient un caractère particulier, lié à la pandémie qui secoue le monde entier depuis bientôt deux ans ; ce qui leur conféra une forme raccourcie par rapport à ce qu’on connaissait naguère. Il y eut néanmoins trois temps forts, un symphonique, et deux autres lyriques. Côté symphonique, le Philharmonique de Radio-France, sous la baguette inspirée de son chef Mikko Franck et en compagnie du brillantissime Maxim Vengerov, nous offrit un grand moment de musique romantique avec Beethoven et Brahms, deux valeurs sûres. Côté lyrique, ce fut d’abord l’opéra de Saint-Saëns « Samson et Dalila », avec une distribution de premier ordre et un Philharmonique de Radio-France à nouveau en grand forme sous la direction (sans baguette) d’Yves Abel ; et ensuite une « Nuit verdienne » où brillèrent trois chanteurs de grand talent tant lyrique que dramatique sous la direction (sans baguette également) de Konstantin Chudovsky. Enfin le ballet Béjart de Lausanne, impeccable, fut fidèle à sa réputation.
Déception en revanche avec les concerts Radulovic et Bartoli, nonobstant le talent de ces deux interprètes, gâchés l’un et l’autre par une sonorisation délirante compte tenu de l’acoustique exceptionnelle du théâtre antique. Sur le plan pratique, on a déploré l’indigence des programmes, à l’exception de ceux du ballet et de l’opéra : aucune analyse même sommaire des œuvres proposées, ce qui eût été pourtant la moindre des choses compte tenu du public auquel ces spectacles s’adressaient, mais il est vrai que financièrement les temps sont durs…!
Globalement, c’est là un festival qui devrait retrouver, espérons-le, son âme, c’est-à-dire l’opéra, car Orange c’est d’abord un festival d’art lyrique dont le cœur est en effet le théâtre antique avec son acoustique incomparable et son plateau hors norme. Pour les petites formes, la Cour Saint-Louis voisine convient et suffit. À suivre donc…