Récital Capuçon-Fray : du baroque au romantisme
Johann Sebastian Bach séjourna à Coethen (Allemagne orientale) de 1717 à 1723 ; un séjour heureux au cours duquel il produisit la majeure partie de son œuvre instrumentale. Ce fut pour le souverain de cette principauté, le prince Leopold d’Anhalt-Coethen, lui-même excellent violoniste, qu’il composa notamment ses six Sonates pour clavecin et violon ; on entendit, sous les doigts experts de Renaud Capuçon, violon, et de David Fray, piano, les IIIe et IVe de ces Sonates, fleurons du répertoire baroque germanique, qui ont une dimension quasi orchestrale en un contrepoint souvent très dense, où chaque mouvement témoigne d’une formidable inventivité que les solistes surent admirablement mettre en valeur. Ce qu’ils firent avec un égal talent pour deux Sonates de l’époque romantique ; la première, du jeune Franz Schubert, âgé de vingt ans, est d’une maîtrise absolue en ses quatre mouvements d’une grande richesse tant mélodique qu’harmonique en un dialogue violon-piano d’une grande complicité. Au soir de sa vie, Robert Schumann composa ses trois Sonates pour violon et piano ; son épouse Clara, au piano, créa la première d’entre elle en 1851 ; au violon le grand Ferdinand David. C’était un autre David – Fray celui-là – qui était au piano accompagnant Renaud Capuçon en symbiose tous deux pour ces trois mouvements pétris d’une passion contenue. Anecdote : Schumann peu satisfait de cette sonate, composa la deuxième, en espérant qu’elle serait meilleure que la première ! Après avoir entendu cette sonate sous les doigts des deux virtuoses invités tout à la fois par Musique baroque en Avignon et l’Opéra du Grand Avignon, force fut de reconnaître que Schumann avait jugé bien trop sévèrement sa sonate qui est un pur chef d’œuvre. Théâtre comble, public conquis, en bis l’Adagio de la Ve Sonate en fa mineur de Bach ; la boucle était bouclée ! Ce récital fut sans conteste un temps fort de la saison 2021-2022 de musique de chambre à Avignon (7 décembre 2021).