Saison 2017-2018 (1ère partie octobre-février)

Saison 2017-2018 (1ère partie octobre-février)

Prologue musical à la Semaine italienne d’Avignon

La première Semaine italienne d’Avignon ne pouvait mieux débuter qu’avec ce somptueux récital s’inscrivant dans le cadre de la saison « Musique Baroque en Avignon » en coréalisation avec les Automnales de l’orgue et l’Opéra Grand Avignon, et qui réunit deux étoiles qui brillent au firmament de cette musique, la contralto Delphine Galou et l’organiste Ottavio Dantone. Ils interprétèrent huit pages (quatre pour l’orgue et quatre pour contralto solo) de compositeurs italiens de la fin du XVIe siècle à l’aube du XVIIIe. Et d’abord de Girolamo Frescobaldi (1583-1643) une superbe Toccata VI sopra i pedali e senza pétillante d’inventivité où le contrepoint laisse deviner ce que sera la fugue. Du grand claviériste que fut Bernardo Pasquini (1637-1710), transition entre Frescobaldi et Scarlatti, on savoura une Toccata II per organo finement ciselée. De Domenico Zipoli, un musicien jésuite qui contribua à répandre la musique baroque chez les Guaranis américains, Ottavio Dantone offrit un brillant florilège composé d’une Toccata, de Versi et d’une Canzona primo tono. Enfin d’Alessandro Scarlatti (1660-1725) qui composa peu pour le clavier un belle Toccata d’ottava stesa richement ornementée. Ottavio Dantone à l’orgue doré de la Basilique Notre-Dame des Doms a mis en valeur avec la maîtrise qui est la sienne ce merveilleux instrument. Immense plaisir côté vocal avec la contralto Delphine Galou, grande spécialiste de la musique baroque où sa chaleureuse voix naturelle fait merveille qui proposa d’entrée une émouvante Cantata a voce sola per il Venerdi Santo de Giuseppe Torelli (1658-1709), connu comme étant le père du concerto pour violon ; d’Alessandro Stradella (1639-1682), le père du concerto grosso, on entendit avec non moins d’émotion une Lamentazione per il Mercoledi Santo tandis que la cantatrice entraînait les auditeurs au Paradis avec O spiritus angelici per il santissimo sacramento de Giovanni Battista Brevi (1650-1725), pur produit musical de la Réforme catholique issue du Concile de Trente tout comme le fut Benedetto Giacomo Marcello (1650-1716) dont on entendit le Psaume VIII O di che lode. Ottavio Dantone l’accompagna avec délicatesse à l’orgue doré (à défaut d’un orgue positif) dont il choisit les registres les mieux adaptés pour ne point couvrir une voix tout d’intimité ici, mais au contraire exalter la cantatrice chaleureusement applaudie comme lui-même au terme d’un récital ponctué in fine de quelques mesures du Stabat Mater de Vivaldi en bis (8 octobre).

Musique sacrée à Saint-Didier : Fauré-Caillebotte

Beau concert d’ouverture de la saison 2017-18 de l’Orchestre Régional Avignon-Provence placé sous la direction du grand chef de chœur et d’orchestre qu’est Michel Piquemal. En un lumineux prologue, on écouta le « Cantique de Jean Racine » op. 11 que composa en 1865 le jeune Gabriel Fauré (il avait 19 ans), une page écrite sur une paraphrase en français d’un hymne de Saint Ambroise pour chœur et orchestre. Non moins lumineux le célèbre « Requiem » de Fauré également, composé 23 ans plus tard la page la plus connue étant le « Pie Jesu » que chante la soprano soliste en l’occurrence la délicate Daphné Touchais toute d’émotion contenue. C’est la dernière version de ce « Requiem » (1893) qu’on entendit. En composant ce « Requiem » Fauré voulait « faire quelque chose de différent », c’est-à-dire sortir des musiques de circonstance que l’on jouait lors des funérailles, en l’espèce, pour lui, à l’église de La Madeleine de Paris où il remplaçait souvent à l’orgue son titulaire (qui était aussi son maître) Camille Saint-Saëns. Dans la version qu’on entendit à Saint-Didier, outre les cinq mouvements primitifs de la version originelle de 1888 (Introit, Kyrie, Sanctus, Pie Jesu, Agnus Dei et In Paradisum), s’inséraient l’Offertoire et le Libera me composé en 1890. À l’orchestre initial Fauré avait ajouté deux trompettes et deux cors. Le baryton soliste Richard Rittelmann s’imposa dans l’ « Hostias » et fut véhément dans le « Libera me » avec une voix solide et ample. Direction effervescente et passionnée de Michel Piquemal qui avait convoqué pour l’occasion son excellent Chœur Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur ; il fit merveille dans ce répertoire qu’il maîtrise admirablement. Entre ces deux œuvres, une découverte d’un compositeur français peu connu, Martial Caillebotte, frère de ce grand peintre et mécène de la fin du XIXe siècle, Gustave Caillebotte, le « Psaume CXXXII » (« Ecce quam bonum », « Voyez ! Qu’il est bon, qu’il est doux d’habiter en frères tous ensemble ! ») pour orchestre, chœur et orgue, une page, contemporaine (1887) du « Requiem » de Fauré qui flirte par instant avec Wagner et que l’Orchestre régional Avignon-Provence a restitué avec finesse, puissance et délicatesse (le cor anglais de Thierry Guelfucci dans une brève intervention, parfait) à la fois. On peut regretter de n’avoir pas vu mentionné dans le programme le nom de l’organiste (13 octobre).

Concert à la gloire du clavecin et de l’orgue médiéval

Concert singulier que celui-ci auquel « Musique baroque en Avignon » avait convié les mélomanes avignonnais en cet automne aussi lumineux que frais (mistral vigoureux !) en la Grande Chapelle du Palais des Papes. Il proposait de découvrir des instruments fort méconnus, le « clavicytherium » (sic) ancêtre du clavecin doté d’un clavier à corde pincées à table verticale l’autre clavecin étant le « clavicynbalium » à table horizontale, ainsi que l’ «organetto », petit orgue portatif, ancêtre de l’orgue positif qui se joue assis ou debout, ou le tambourin carré, lui, ancêtre de bien des percussions. Alors que la musique, tant religieuse que profane, était au Moyen-Âge essentiellement vocale, au XIVe siècle, un tournant s’amorça qui vit se perfectionner la notation musicale ce qui permit aux compositeurs claviéristes entre autres de noter leurs improvisations conçues généralement à partir de chansons de cour, telles celles d’un Guillaume de Machaut ou d’un Guillaume Dufay. Au cours de ce concert donné par les claviéristes de grand talent que sont la Catalane Cristina Alis Raurich et le Provençal Julien Ferrando, formant le Duo Mescolanza, tous deux musicologues confirmés et grands connaisseurs de ce rare répertoire, on parcourut des œuvres instrumentales puisées dans le « Codex Faenza » et le livre d’orgue « Buxheimer Orgelbuch », qui sont les sources de base de ces musiques de France et d’Italie du Nord aux XIVe et XVe siècles. Il s’agissait de mélodies vocales transcrites pour les deux instruments qui se répandirent à cette époque, à l’origine des claviers et, en extrapolant, des instruments à vent. Musiques aussi diverses que les polyphonies de Saint-Martial de Limoges (XIIe et XIIIe siècles) ou celles qu’on chantait ou jouait dans les cours italiennes, ou celle de France ou encore dans les pays germaniques ou enfin à la Cour d’Aragon et là on entendit quatre belles pages tirées du Livre Vermeil de l’abbaye catalane de Montserrat, composées au XIVe siècle. Un instrumentarium érudit et parfois austère mais de grande qualité interprétative. À noter : une remarquable notice explicative et introductive signée par les deux interprètes dans le programme de salle (28 octobre).

Musiques profanes au temps des Papes d’Avignon

Après le récital instrumental du Duo Mescolanza (organetto, clavicytherium et tambourin) en la Grande Chapelle du Palais des Papes, on retrouva le musicologue Julien Ferrando accompagnant au clavicytherium l’Ensemble De Caelis, trois chanteuses (soprano et mezzos sopranos) sous la houlette de Laurence Brisset également chanteuse (mezzo soprano) mais aussi instrumentiste (elle jouait de l’organetto) dans un programme de musiques médiévales joliment intitulé « Douce Playsance » et composé d’œuvres profanes des XIVe et XVe siècles, au temps des Papes d’Avignon. ; il s’agissait là d’un « divertissement musical dans les cours d’Avignon et de Florence à la fin du XIVe siècle ». Ces œuvres étaient puisées en partie dans le Codex Chantilly, une des plus riches collections de musique française de ce temps, constituées aussi de « Ballades » de Guillaume de Machaut, le plus connu des compositeurs de ce temps, de Philipot de Caserta, de Solage, de Grimace (sic), de « virelais » de Senlèches ou de Borlet … Musique de cour d’un grand raffinement partiellement interprétée a capella par l’Ensemble De Caelis, qui s’est spécialisé dans l’exploration du répertoire musical médiéval tant sacré que profane et qui fit merveille ce soir-là. Les trois remarquables chanteuses de cet ensemble étaient soutenues par le clavicytherium fort bien joué par Julien Ferrando ou l’organetto de Laurence Brisset lorsqu’elle ne se joignait pas à ses consœurs. On eût pourtant préférer les entendre d’un bout à l’autre de ce récital a capella tant leurs voix étaient en parfaite adéquation avec leur musique et les textes qu’elles exaltèrent à l’envi. Ce concert, comme le précédent, réalisé en partenariat avec Avignon-Tourisme et l’Opéra du Grand Avignon, avait attiré un public abondant à telle enseigne qu’il fallut ajouter des sièges supplémentaires pour l’accueillir pleinement : la musique ancienne fait décidément recette en la Cité des Papes ! (12 novembre).

Musique baroque en Avignon « Amour… toujours ! »

Le programme que proposaient aux mélomanes avignonnais le baryton Marc Mauillon accompagné à la harpe par sa sœur Angélique tous deux fins connaisseurs du répertoire baroque qu’ils interprètent avec une grande complicité était destiné à faire rêver. On entendit là des madrigaux et pièces instrumentales composés à la fin de la Renaissance et au début de l’époque baroque par quatre grands compositeurs de ce temps qui œuvrèrent dans le nord de la péninsule italienne entre 1550 et 1640 ; tous chantaient les amours déçues des amoureux transis et les souffrances qu’ils prenaient plaisir à disséquer ! Du Ferrarais Luzzasco Luzzaschi (1545-1607) qui dirigea à Ferrare pour les Gonzague le fameux « Concerto delle donne » on savoura une belle « Toccata » et une délicate « Canzone » et du Mantouan Alessandro Piccinini (1566-1638) une « Aria di sarabanda » celle-ci écrite initialement pour théorbe. De Giulio Caccini (1551-1618) qui fit carrière à Florence pour les Médicis mais séduisit avec ses enfants Henri IV à Paris, une douzaine de madrigaux, genre dans lequel il excella, tout comme son rival à Florence également, Jacopo Peri (1561-1633), auteur du premier opéra connu « Euridice », dont on put apprécier cinq madrigaux. On put ainsi distinguer les deux écoles qui s’affrontèrent ensuite fondées sur le principe « Prima le parole, dopo la musica » ou… l’inverse ! Peri insistait sur la monodie, Caccini sur les ornements, tout ceci à l’origine du belcanto qui triompha au XVIIIe siècle et qu’exaltèrent d’abord les castrats puis les cantatrices. Remarquable présentation des œuvres par Marc Mauillon parfait baryton baroque et excellent pédagogue et par Angélique Mauillon qui montra l’originalité de sa harpe à trois rangs de cordes en boyaux exigent de l’interprète une grande virtuosité (elle sera détrôner pour cela par la harpe moderne dotée de pédales) et qu’elle maîtrise avec … maestria. En bis une chanson populaire sicilienne « Silenzio d’amor » et une chanson française de ce temps dans le style italien. Le public venu nombreux dans le bel Auditorium Mozart du Conservatoire du Grand Avignon fut enchanté par ce quatrième concert de la saison « Musique baroque en Avignon » (26 novembre) .

Orphée de Gluck revu par Berlioz

Beau spectacle d’ouverture et de l’Opéra Confluence, salle éphémère de la Cité des Papes durant la réfection de la salle de la Place de l’Horloge, et de la saison lyrique 2017-2018. C’était la version Berlioz de l’opéra emblématique de Gluck, « Orphée ».Christoph Willibald Gluck (1714-1787) est, dans le domaine de l’opéra, avec Haydn et Mozart, le plus éminent représentant du classicisme viennois qui s’opposa au XVIIIe siècle au classicisme italien dont Piccini était le porte-parole. Son style se caractérise musicalement par le naturel et la vérité dramatiques ; ce fut la base de la « réforme » de l’ « opera seria » qui se fit jour en 1762 avec la création à Vienne d’ « Orfeo ed Euridice ». Repris à Paris où l’avait invité son ancienne élève la reine Marie-Antoinette, sous le titre « Orphée et Eurydice » et profondément remanié, ce trentième opéra de Gluck, le plus célèbre, connut un grand succès et, rançon de ce succès, plusieurs versions ; la plus récente fut, au XIXe siècle, celle de Berlioz que l’on vit à Avignon cet automne, sur un livret français de Pierre-Louis Moline. Ce fut la mezzo-soprano Julie Robard-Gendre, voix chaleureuse et jeu dramatique à souhait, qui incarna le rôle d’Orphée chanté à la création par Pauline Viardot ; dotée d’un costume de cuir noir peu élégant, elle témoigna d’une forte présence scénique. La soprano Olivia Doray incarna un belle Eurydice tout de rouge vêtue, voix claire et transparente, la soprano Dima Bawab, en babydoll peu seyant, campait avec force et conviction un Amour entremetteur du plus bel effet. Réalisation correcte de Fanny Gioria qu’on découvrit à cette occasion, décors et lumières d’Hervé Cherblanc, minimalistes, proches de l’arte povera. L’ORAP placé sous la houlette de Roberto Forés Veses ne parut pas au meilleur de sa forme (imprécisions dans l’ouverture, tonitruante) ; en revanche le chœur d’Aurore Marchand fut impeccable et le ballet dans une chorégraphie inventive d’Éric Belaud fut magnifique (5 décembre). On put apprécier la bonne acoustique de cette nouvelle salle des plus prometteuses de ce point de vue, tout comme les gradins dotés de sièges confortables offrant une visibilité parfaite : de la belle ouvrage à porter au crédit de l’équipe technique qui la réalisa.

Opéra Confluence : un chaleureux récital franco-russe

Dans le cadre des échanges culturels entre le Grand Avignon et Saint-Pétersbourg, six interprètes (trois cantatrices et trois chanteurs) ont offert aux mélomanes avignonnais un bien beau récital d’airs extraits d’opéras célèbres de Rameau (« Platée ») à Bernstein (« West Side Story ») en passant Mozart (« Cosi fan tutte »), Johann Strauss II (« La Chauve-Souris ») et Lehár (« Giuditta »), mais aussi Rossini (« Otello ») et Puccini (« La Bohème »), ou encore Bizet (« La jolie fille de Perth »), Gounod (« Faust »), Chabrier (« Le Roi malgré lui »), Ravel (« L’Heure espagnole ») et enfin, Rimski-Korsakov (« Sadko »), Tchaïkovsky (« Eugène Onéguine »). Les cantatrices étaient françaises : les sopranos Ludivine Gombert (qui fut une juvénile Marguerite et une brillant Giuditta) et Estelle Poscio (bien bel air de « La Folie de Platée et pétillante Adèle de « La Chauve-Souris »), et la mezzo-soprano Ambroisine Bré (émouvante Desdemona de l’ « Otello » de Rossini ou plaisante Conception de « L’heure espagnole » de Ravel), tandis que les chanteurs venaient de Russie : le ténor Roman Arndt (timide Faust mais subtil Lenski), le baryton Boris Pinkhasovich (excellent Valentin et solide Prince Yeletsky) et la basse Alexandr Bezrukov (parfait en Ralph de « La jolie fille de Perth ») ; ils se produisirent ensemble dans Mozart, Bizet, Puccini, Tchaïkovki ou Berntein soutenus par ces excellentes accompagnatrices que sont Kira Parfeevets (bien connue à Avignon) et Elena Gaudasinkaya qui jouèrent en outre un intermède à quatre mains, un « Galop » sur des thèmes de « L’Elisir d’Amore » de Donizetti, composé par Glinka. Les ensembles dans « Cosi fan tutte », « La jolie fille de Perth » ou « La Bohème » et « Onéguine » étaient fort bien réglés alors que ces artistes se découvraient mutuellement à cette occasion. Chaude ambiance pour un public ravi qui applaudit aussi au bis, la célèbre mélodie ruse « Il est revenu le temps du muguet » en version originale et en français par les six protagonistes réunis qui ont repris sous les applaudissements renouvelés « Tonight » de « West Side Story »! (9 décembre) Ils s’envolèrent peu après pour Saint-Pétersbourg présenter ce même programme, repris deux jours plus à…Beyrouth ! Nul doute que l’accueil qui devait leur être réservé ne fut pas moins chaleureux qu’en la Cité des Papes (9 décembre).

Un « Hymne à la fraternité » par l’Orchestre d’Avignon

Pour ce premier concert de l’Orchestre de Région Avignon-Provence au sein de l’Opéra Confluence, très attendu, on entendit en ouverture une Suite pour orchestre de chambre orchestrée par René Koering, d’après l’opéra de Debussy, « Pelléas et Mélisande » créé en 1902. Cette œuvre s’articule en cinq parties composées de pages empruntées aux moments richement orchestrés qui décrivent les lieux et le climat du drame de Maeterlinck ; l’Orchestre sous la direction puissante de Samuel Jean a su en rendre l’intensité tragique. Suivait la « IXe Symphonie avec chœurs » de Beethoven. Dédiée à Frédéric-Guillaume III de Prusse, elle vit le jour, en 1824, sous la direction de Beethoven, un énorme succès. Elle se compose, comme on sait, de quatre mouvements dont l’organisation originale frappa les mélomanes viennois à sa création : au mouvement lent qui succède d’ordinaire à l’allegro premier Beethoven substitua un scherzo qui d’habitude se trouve en troisième position là où il plaça le mouvement lent. À l’Allegro initial fortement charpenté succède donc un scherzo, Molto vivace, où s’opposent deux thèmes vigoureux et alerte. Vient alors un Adagio molto e cantabile, constitués de deux thèmes, en forme de Lieder. L’orchestre et Samuel Jean proposèrent une lecture tout à la fois claire et nuancée de ces trois premiers mouvements Contraste complet avec le Finale, sommet de l’œuvre où l’orchestre énonce le thème du fameux Hymne à la Joie repris par les chanteurs solistes d’abord puis par le chœur. On sait que cette partie chorale est redoutable spécialement pour les solistes. La basse Frédéric Caton attaqua le « Freude, schöner Götterfunken » (Joie, belle étincelle des dieux) vigoureusement, bien suivi par le ténor Thomas Bettinger ; comme il arrive souvent la soprano Sabine Revault D’Allones entra presque en hurlant ce qui devait être fortissimo elle regagna quelque retenue ensuite ; la chaleureuse mezzo-soprano Marie Gautrot trouva d’entrée parfaitement sa place au sein du quatuor. Quant aux chœurs, le Chœur Symphonique Avignon-Provence composé d’amateurs éclairés, et le Chœur Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur de Michel Piquemal, ils clameront tous azimuts avec fougue l’ « Ode » écrite par Schiller, sublimement exaltée par Beethoven ; mais l’ensemble là fut quelque peu brouillon ; il n’est du reste pas sûr qu’il faille, dans une salle de concert, un chœur aussi étoffé que celui constitué ce soir-là. Au total une exécution correcte, mais sans plus (15 décembre).

Avignon : Des chasseurs alpins au pensionnat !

Adaptation de la comédie-vaudeville en trois actes d’Amable de Saint-Hilaire et Paul Duport intitulée « L’habit ne fait pas le moine », créée en août 1835 à Paris avec des musiques de ces compositeurs aujourd’hui inconnus du grand public qu’étaient les sieurs Doche, Thénard et This, l’opérette de Louis Varney, « Les Mousquetaires au Couvent » sur un livret de Paul Ferrier et Jules Prével fut créée, elle, à Paris également mais au Théâtre des Bouffes-Parisiens qu’Offenbach rendit célèbre ; elle a connu de grands succès tant en France qu’en Russie, à Saint-Pétersbourg, en Autriche à Vienne (1881) ou en Italie à Rome (1883) et maintes transpositions depuis sa création en 1880 ; une des plus récentes productions en France fut celle de l’Opéra-Comique dans une mise en scène de Jérôme Deschamps sous la baguette experte de Laurent Campellone avec Gabriel Bacquier dans le rôle de l’Abbé Bridaine (1992) outre celles pétillantes et pleines d’esprit de Nadine Duffaut à Liège et à Avignon (2004-2005). Quoique un peu datée et surannée, cette opérette séduit toujours autant que naguère. Valérie Marestin, en charge de sa réalisation, a cru devoir moderniser l’action en l’inscrivant dans un pensionnat de jeunes filles près de Cauterets (où mourut Louis Varney) au pied des Pyrénées. Les mousquetaires deviennent des chasseurs alpins qui vont s’efforcer d’enlever deux pensionnaires au nez et à la barbe de leur père qu’ils vont au reste sauver d’une tentative d’attentat ! Les décors tirés d’une bande dessinée étaient d’Hervé Cherblanc (qui avait signé ceux d’ « Orphée »), la chorégraphie d’Éric Belaud (correcte), le chœur et l’ORAP sous la baguette aguerrie de Dominique Trottein bon connaisseur de ce répertoire ; il ne put sauver l’entreprise qui ressortissait plutôt du spectacle de patronage avec de jeunes interprètes privées de diction pour les dames ce qui est rédhibitoire dans une opérette, les messieurs tirant l’œuvre vers le burlesque voire la farce, choix manifeste de la réalisatrice : ce spectacle, idéal pour les fêtes de fin d’année, tomba à plat et fit un flop (30 décembre).

Grand Avignon : Beethoven et l’Héroïque

Après « L’Hymne à la Fraternité » de Beethoven, sa IXe Symphonie (voir plus haut), flash-back musical avec l’exécution de sa « IIIe Symphonie en mi bémol majeur, opus 55 » primitivement dédiée à Napoléon Bonaparte, symbole aux yeux du compositeur des idéaux de la Révolution française, mais qu’il dédia finalement à la mémoire d’un « grand homme » lorsqu’il apprit que le Premier Consul s’était fait couronner empereur (2 décembre 1804) ; elle est plus communément intitulée « Eroica » (Héroïque), le grand homme étant dès lors un des mécènes de Beethoven, le Prince Lobkowitz ! Cette symphonie est l’une des plus populaires de Beethoven, porteuse d’un romantisme naissant et flamboyant. Elle fut créée à Vienne en 1805 ; sa « Marche funèbre » (2e mouvement) est célébrissime tout comme celle de Chopin. Le maestro italien Roberto Rizzi-Brignoli que connaissent bien les mélomanes avignonnais dirigeait avec fougue et rigueur l’Orchestre de région Avignon-Provence en grande forme ce soir-là. Cette lecture de la Troisième Symphonie était précédée d’une formidable interprétation de l’unique « Concerto pour violon et orchestre opus 61 », que Beethoven composa en 1806 ample poème débordant d’amour, pour célébrer, dit-on, d’hypothétiques fiançailles du musicien avec Thérèse de Brunswick. Cet authentique chef d’œuvre eut pour interprète Olivier Charlier qui est un des plus grands violonistes français de notre temps, professeur au Conservatoire de Paris où il fut naguère élève : romantique avec une sonorité d’une rare finesse, et des aigus sublimes à faire rêver tout violoniste amateur et même professionnel aguerri ; magnifiquement accompagné et soutenu par le chef (très belle introduction) attentif et parfaitement en phase avec le soliste. Un grand moment (12 janvier).

Le Baroque en son sommet : Franco Fagioli

Trois grands contre-ténors occupent aujourd’hui le devant de la scène lyrique : Philippe Jaroussky, Emanuel Cencic et Franco Fagioli. Avignon a accueilli les deux premiers. Restait à faire connaissance du troisième, ce fut chose faite et bien faite en ce début d’année 2018 où dans le cadre de « Musique baroque en Avignon » le contre-ténor argentin Franco Fagioli se produisit à l’Opéra Confluence du Grand Avignon entouré de l’excellent ensemble Il Pomo d’Oro qu’on avait entendu accompagner il ya quelque temps Emanuel Cencic sur la scène de l’Opéra municipal de la Cité des Papes ; il joue, et fort bien, sur instruments anciens, bon connaisseur du répertoire qui fait la gloire de notre chanteur : les opéras de Georg-Fredrick Händel (pour nous : Haendel !). On put ainsi savourer une dizaine d’airs empruntés à ses opéras les plus célèbres, créés à Londres pour le public anglais qui découvrait ainsi l’opéra italien sous la plume d’un compositeur germanique ! De « Giulio Cesare » à « Serse » en passant par « Imeneo », « Oreste », « Rinaldo » (on a applaudi là, outre le chanteur, la belle prestation de la bassoniste Katryn Lazar), « Alcina », « Il Pastor Fido » ou « Ariodante », des airs que les mélomanes avignonnais découvriront souvent, entrecoupés de belles pages instrumentales puisées dans l’œuvre pour orchestre de maître, contemporain de Bach et de Scarlatti : les sommets du baroque en musique. L’orchestre fut superbement enlevé par sa cheffe Zefira Valova. Plaisir complet lorsque Franco Fagioli chaleureusement applaudi revint pour chanter et faire chanter au public l’air fameux « Lascia ch’io pianga » (le titre original est « Lascia la spina, cogli la rosa »), sarabande tirée (Acte III) de l’opéra italien « Almira » composé en 1705 ; on se serait cru à Vienne un jour de Nouvel An : un triomphe ! Seul bémol : l’absence de mur de fond pour renvoyer le son sur la scène atténua fâcheusement la puissance sonore du chanteur.
Noter que deux jours plus tôt était paru sous le label DG un CD (« Handel Arias ») reprenant les airs entendus ce soir-là ! Un bien beau souvenir que le « divo » s’empressa de dédicacer… ! (15 janvier).

Une œuvre d’une grande puissance émotionnelle: « Dialogues des Carmélites »

À l’origine de cet opéra, « Dialogues des Carmélites » , trois catholiques fervents, la romancière allemande Gertrude von Le Fort (1931), le romancier français Georges Bernanos (1948) et le compositeur français également Francis Poulenc (1957). Ce fut à la demande du Père dominicain Bruckberger, que Bernanos écrivit les dialogues du scénario d’un film, adapté de la nouvelle de Gertrud von Le Fort, que le prêtre voulait réaliser avec le cinéaste Philippe Agostini. Le film ne vit pas le jour du fait de la mort de Bernanos mais le scénario fut adapté au théâtre par Jacques Hébertot en 1952 et repris par Francis Poulenc pour l’opéra qu’il composa à la demande de Guido Valcarenghi des Éditions Ricordi à Milan. En 1957, cet opéra fut créé à la Scala de Milan, en janvier, et puis à l’Opéra de Paris, en juin, avec un immense succès. Fort de ce succès, le Père Léopold Bruckberger et le cinéaste Philippe Agostini remirent sur le métier le film – co-production franco-italienne – qui fut tourné à l’automne 1959 et sortit en 1960 sous le titre « Le dialogue des Carmélites » avec, entre autres, Jeanne Moreau, Madeleine Renaud et Alida Valli dans les principaux de rôles féminins.Cette œuvre conte l’histoire d’une jeune fille, Blanche de La Force, que le monde effraie et qui se retire chez les Carmélites pour y échapper ; mais elle est rattrapée par le monde séculier, durant la Révolution française, ce qui la conduit avec ses sœurs religieuses à l ‘échafaud, le 17 juillet 1794. Ce personnage est une création de la romancière mais les autres personnages sont historiques. Bernanos et Poulenc ont peint des personnages d’une grande puissance dramatique que la musique du compositeur des « Mamelles de Tirésias », pénétré de mysticisme depuis sa rencontre avec la Vierge de Rocamadour, exalte au plus haut point en une partition d’une grande richesse tant mélodique qu’orchestrale. Cet opéra suppose des interprètes de grande envergure. À Avignon, on applaudit Ludivine Gombert en Blanche de La Force qu’elle incarna avec une extrême sensibilité ; à ses côtés, Sarah Gouzy fut une fraiche Sœur Constance, presque primesautière ; Marie-Ange Todorovitch fut, elle, une pathétique Madame de Croissy à l’agonie et Catherine Hunold une solide Madame Lidoine face aux Mères supérieures Marie de l’Incarnation et Jeanne, respectivement Blandine Folio-Peres et Isabelle Guillaume, les douze autres Carmélites, issues du Chœur de l’Opéra du Grand Avignon constituant un ensemble très homogène vocalement, les personnages masculins campés, notamment, par Frédéric Caton, Rémy Matthieu ou Raphaël Brémard, n’ont pas démérités. L’ORAP, très renforcé du fait d’une partition à l’orchestration très dense, était placé sous la baguette pas toujours inspirée de Samuel Jean ; la mise en scène, intemporelle mais cohérente du réalisateur Alain Timár, bien connu des Avignonnais locaux ou festivaliers (c’était là sa première mise en scène lyrique, très réussie), s’inscrivait dans sa propre scénographie qui encadrait parfaitement, sous les belles lumières de Richard Rozenbaum, le puissant drame musical de Bernanos et Poulenc. On aura été frappé par la scène finale, la montée à l’échafaud qui ici se transforma en une électrocution successive des religieuses tétanisées : impressionnant (30 janvier).

Avignon : Romantisme à tous les étages

Siegfried Wagner, troisième enfant de Richard Wagner et de Cosima von Bülow – la fille de Liszt -, naquit en 1869 ; Cosima divorça l’année suivante d’avec son mari le chef d’orchestre Hans von Bülow et épousa dans la foulée le compositeur qui lui dédia une page symphonique constituée de passages musicaux empruntés à son opéra « Siegfried » ; cette œuvre, « Siegfried-Idyll » écrite pour treize musiciens fut créée le 25 décembre 1870 pour le trente-troisième anniversaire de Cosima, dans la villa Triebschen des Wagner à Lucerne (Suisse). L’orchestre en formation Mozart, à l’Opéra Confluence d’Avignon, était plus étoffé ce qui ne nuisait pas à la lecture de cette œuvre délicate dont Samuel Jean donna une sage interprétation. Le « Concerto pour piano et orchestre » opus 11 de Chopin avait été créé quarante ans plus tôt à Varsovie, à la veille du départ du compositeur pour Vienne ; il s’articule en trois mouvements; sous les doigts du pianiste virtuose Giovanni Bellucci, il sonna merveilleusement, un deuxième mouvement du plus pur romantisme ; un troisième d’une formidable virtuosité parfaitement maîtrisée avec des pianissimi de rêve Giovanni Bellucci offrit à son public enthousiaste les Variations « Souvenir de Paganini » (le thème du Carnaval de Venise) contemporaines du Concerto. Contraste complet avec le ballet de Ravel
« Ma Mère L’Oye », d’après Perrault, composé pour piano à quatre mains (1908-10) puis orchestré (1911) et adapté enfin en ballet en 1912 : un acte, cinq tableaux et une apothéose, évoquant la Belle au bois dormant, La Belle et la Bête, le Petit Poucet entre autres. L’ORAP placé sous la houlette de Samuel Jean en a donné une lecture chatoyante qui eût rutilé davantage si l’acoustique très sèche de la salle n’avait gommé la magie qui se dégage habituellement de ces pages toutes féériques (9 février).

Avignon, Auditorium, au plaisir du piano

Séduisant récital que celui qu’offrit à l’Auditorium Mozart d’Avignon le pianiste suisse (d’origine napolitaine) Olivier Cavé, âgé tout juste de quarante ans et grand connaisseur de Scarlatti. D’abord les célèbres « Variations » que Mozart composa en 1781 ou 1782 (il avait vingt-cinq ans) sur l’air « Ah ! Vous dirai-je, maman », cette chanson enfantine très populaire au XVIIIe siècle en France d’abord et dans toute l’Europe ensuite, variations toutes d’élégance à la française et d’une grande inventivité subtilement distillées par Olivier Cavé. Elles furent suivies de la non moins célèbre « Sonate n°50 en ré majeur » de Haydn composée en 1779 qui valut fâcheusement à son compositeur le surnom de « papa Haydn » ! Elle s’articule en trois mouvements le premier faisant irrésistiblement penser à Scarlatti qu’Haydn ne rencontra jamais mais on peut penser qu’il connaissait ses Sonates ; le deuxième mouvement d’une gravité et d’une intériorité émouvantes contraste et avec le premier et avec le troisième construit sur un air rappelant les Länder populaires de ce temps. Merveilleuse interprétation du pianiste helvétique, d’une clarté olympienne. Puis vinrent six des 555 Sonates que Domenico Scarlatti, le contemporain de Haendel et Bach, composa essentiellement à Madrid pour Maria Barbara épouse du futur Ferdinand VI d’Espagne qui raffolait du clavecin (les dernières de ces sonates furent peut-être jouée sur un pianoforte) Olivier Cavé a magnifié l’inventivité du compositeur le hissant à sa juste place, maître du clavier, au cœur de l’âge baroque. Et ce beau concert s’achevait par deux Sonates de Beethoven, la Sonate n°8 en ut mineur, dite « Pathétique » qui date de 1800, un des sommets de la production pianistique de Beethoven qui a ici assimilé tous les acquis du jeu du piano sous-tendu par une sensibilité à fleur de peau, et la « Sonate N°1 » de l’opus 2 dans le ton de fa mineur, quatre mouvements s’inscrivant dans le droit fil d’un Scarlatti revu par ce « docteur en musique » qu’était son maître Joseph Haydn avec qui il eut des mots… Là encore superbe interprétation lumineuse d’Olivier cavé. Public conquis par ce beau pianiste, très distingué qui remercia ses auditeurs souvent jeunes pour leurs applaudissements nourris par deux pages : la première étant le très beau second mouvement de la transcription pour clavier que fit Bach du Concerto pour hautbois du Vénitien Alessandro Marcello, la seconde une Sonate de Scarlatti particulièrement véloce où le soliste fit merveille à nouveau. Un des sommets de al saison de Musique de chambre de l’Opéra Grand Avignon (10 février).

Musique baroque en Avignon : Les Sacqueboutiers de Toulouse

La sacqueboute est un instrument de musique médiéval ancêtre du trombone ; cette famille de cuivres comprend quatre types d’instruments, du soprano à la basse en passant par l’alto et, le plus répandu, le ténor. Les Sacqueboutiers toulousains, ensemble fondé en 1976, se consacrent à la pratique des cuivres anciens et à leur répertoire qui s’épanouit à la Renaissance. Outre la sacqueboute, l’ensemble réunit des cornets à bouquin, un théorbe, une percussion et un orgue, tout ceci pour faire découvrir des « Ludi Musici » (Jeux musicaux) réunissant danses et « canzones » de compositeurs aussi divers que le néerlandais Jan Sweelinck, né en 1562 et de l’Italien Alessandro Piccinini né en 1566 dont les pages ici retenues mirent en valeur l’orgue positif ou le théorbe sous les doigts d’Yvan Garcia et de Miguel Rincon; mais l’essentiel du programme fut consacré à l’allemand Samuel Scheidt (1587-1654) dont on apprécia la variété et la richesse d’inspiration de ce musicien dont les œuvres furent somptueusement restituées par les Sacqueboutiers de Toulouse qu’on redécouvrit avec bonheur. L’ensemble avait été présenté avec humour par Jean-Pierre Canihac, éminent interprète de cornet à bouquin cet instrument en bois rangé dans les cuivres à cause de son embouchure rapportée, soprano claironnant du plus bel effet face aux sacqueboutes plus graves tout comme le « cornet muet » dont l’embouchure est taillée dans la masse que jouait avec maestria Lluis Coll I Trulls Trois sacqueboutes pimpants (deux ténors et une basse) que jouaient Le grand trombonistes et professeur au Conservatoire de Lyon Michel becquet, ainsi que Daniel Lassalle et Sylvain Delvaux. Le tout soutenu aux percussions par l’excellent Florent Tisseyre. Le public de l’Auditorium du Grand Avignon situé au Pontet fut ravi. D’où un bis, deux danses (Courante et Allemande) de Johann Hermann Schein (1586-1630), exact contemporain de Scheidt, pleines d’allant (11 février).

Enlèvement au sérail à Vienne années Trente

« L’Enlèvement au sérail » est un « Singspiel » (opéra-comique germanique) commandé par l’Empereur Joseph II à Mozart, sur un livret de Gottfried Stephanie, et créé sous la direction du compositeur avec un grand succès en 1782 au Burgtheater de Vienne. Il conte comment l’aristocrate Belmonte s’efforce d’arracher sa fiancée Konstanze aux griffes du Pacha Sélim qui la retient esclave dans son palais, en Turquie au XVIIIe siècle. La réalisatrice Emmanuelle Cordoliani, spécialiste du théâtre parlé-chanté (ce qu’est l’opéra de Mozart) a transposé cette œuvre dans la Vienne autrichienne des années Trente du XXe siècle, en un cabaret que dirige « Le Pacha », personnage mystérieux, dont on dit qu’il séquestrerait sa meneuse de revue Konstanze ; mais voici que revient d’Hollywood le chanteur de charme Belmonte à la recherche de son premier amour… Transposition hardie donc, pour laquelle l’Opéra du Grand Avignon a mobilisé une troupe de jeunes chanteuses et chanteurs qui se produisirent dans le décor original d’Émilie Roy et revêtirent les costumes très élégants de Julie Scobeltzine ; réalisation toute féminine par conséquent (bonne idée), mais qui trop embrasse mal étreint. On sait que le livret de Stephanie ne brille pas quant au texte par une folle originalité ; point n’était utile d’en rajouter ce que fit pourtant la réalisatrice en insérant des soufis qui ne contribuèrent pas à alléger ce livret non plus que le ballet, inutile, ainsi que nombre de figurants dispersant l’attention des spectateurs. Ce qui sauva cette production, ce furent les interprètes, les sopranos Katharine Dain (Konstanze) et Elisa Cenni (Blondchen dotée d’une perruque bleue !) qui, comme Blaise Rantoanina (Belmonte un peu compassé, révélation ADAMI l’an passé) et César Arrieta (pétillant Pedrillo), incarnèrent avec vivacité et allant leurs personnages ; solide Osmin de Nils Gustén mais Selim Bassa tonitruant de Stéphane Mercoyrol. L’orchestre fut parfait sous la baguette de Roberto Forés Veses qu’on avait salué déjà dans « Orphée » en début de saison et qui suivit de bout en bout avec la plus vive attention les protagonistes sur le plateau. Du bon travail sur le plan musical dans une réalisation brouillonne : Mozart méritait mieux (18 février).

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