Fin connaisseur du Seicento musical (le XVII^e siècle baroque), le brillant ténor helvétique (d’origine chilienne) Emiliano Gonzales Toro (photo) a créé, pour s’accompagner, un ensemble à géométrie variable, I Gemelli (Les Jumeaux) dont les musiciens jouent sur instruments anciens. Sous l’énigmatique titre « Soleil noir », le soliste et un continuo composé de trois instrumentistes (harpe, luth et viole) de son ensmble, interprétèrent des œuvres  de compositeurs baroques qu’on découvrit souvent à cette occasion. Si les Caccini (père et fille), Jacopo Peri, Claudio Monteverdi, sont bien connus des mélomanes, Francesco Rasi, Giuseppe Cenci, Marco da Gagliano, Sigismondo d’India ou Andrea Falconieri le sont beaucoup moins. Mais Emiliano Gonzales Toro les présenta tous avec beaucoup d’humour et le public salua chaleureusement ce programme de musiques trop rarement chantées et jouées et ici brillamment interprétées. On put ainsi entendre des mélodies assurant le passage de la Renaissance au premier âge baroque – « prima le parole, doppo la musica » (d’abord les paroles, après la musique) – ; à la polyphonie succédait la monodie très expressive au niveau des affects, des sentiments. On applaudit également quatre œuvres instrumentales de cette époque où les instruments venaient d’acquérir leur autonomie et n’étaient plus condamnés à accompagner seulement la voix ; c’est ainsi qu’on goûta avec plaisir sous les doigts déliés des trois brillants instrumentistes de l’ensemble Gemelli  une Toccata pour harpe solo et l‘«Aura Soave » de Luzzaschi par Marie-Domitille Murez, remarquable de virtuosité, une « délicate  mélodie » pour harpe et viole de gambe, celle-ci finement jouée par Louis Pierrardet une somptueuse Toccata pour théorbe solo aux multiples nuances par l’excellent Nacho Laguna Navarro (qui joue aussi de la guitare) ? En bis, une page de Steffani. Ce récital haut en couleurs a donné lieu à un très beau CD publié sous le label Naïve sous le tire « Soleil Noir », que les musiciens dédicacèrent à l’issue de ce concert !