Opéra Grand Avignon : « Rusalka » de Dvořák, un opéra aquatique

Opéra Grand Avignon : « Rusalka » de Dvořák, un opéra aquatique

Le premier opéra inscrit au programme de la saison 2023-2024 de l’Opéra Grand Avignon était une œuvre d’une grande originalité ; elle avait été composée par le grand musicien tchèque que fut Antonín Dvořák (1841-1904), auteur entre autres, de neuf symphonies et de dix opéras, celui-ci étant l’avant dernier et aussi le plus populaire dès sa création en 1901. Il s’agit de « Rusalka », livret du poète Jaroslav Kvapil (1868-1950) qui s’est inspiré de « la Petite Sirène » d’Andersen mais aussi des contes du poète tchèque Karel Jaromir Erben ; c’est l’histoire d’une créature merveilleuse, une nymphe, qui renonce à son immortalité (ici symbolisée par la parole) par amour pour un humain, un prince venu chasser sur les bords de son lac et qu’elle veut rejoindre ; celui-ci va fougueusement l’aimer mais se lassera de son silence et succombera à l’attrait d’une princesse étrangère, trahissant ainsi sa nymphe devenue une humaine muette. Celle-ci, profondément dépitée et inconsolable, se réfugie dans son lac, y retrouve la parole, est rejointe par son Prince qui n’a cessé de l’aimer; tous deux y mourront.
Coproduction de l’ensemble des maisons d’opéras de la région PACA, la mise en scène, les décors et les costumes ont été confiés à Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil réalisateurs chevronnés et la direction musicale à Benjamin Pionnier, chef rompu au répertoire tant lyrique que symphonique, ce qui convenait parfaitement à la riche partition de Dvořák, parsemée d’évocations folkloriques de la Bohème contribuant à son succès. L’œuvre a été actualisée : un vaste décor unique où le lac originel a fait place au bassin de nage asséché d’une piscine, le Stade Nautique d’Avignon, où s’ébattaient en vidéo, six nageuses du Pontet Nat’Synchro, tout comme les nymphes devenues elles aussi des nageuses au bord du bassin. Force est de reconnaître que cette actualisation, de prime abord surprenante, fonctionnait remarquablement bien.
La distribution était composite mais en phase avec la partition et le texte tchèque (qui était fort bien surtitré en français). Le rôle-titre était confié à la soprano arménienne Ani Yorentz Sargyan très en voix et au caractère vocalement affirmé; la sorcière Jezibaba devenue ici une vgoureuse femme de ménage, conseillère de Rusalka, était incarnée par la solide mezzo roumaine Cornella Oncioiu tandis que la Princesse étrangère était finement chantée par la soprano française Irina Stopina ; côté messieurs le Prince chasseur fut fort bien incarné par l’imposant ténor ukrainien Misha Didyk et Vodnik, l’Esprit du lac et père de Rusalka, était campé par l’excellente basse polonaise Wojtek Smilek, qu’on connaît bien pour l’avoir applaudi maintes fois aux Chorégies d’Orange. Les second rôles n’ont pas démérité et se sont hissés à la hauteur des protagonistes tous également excellents. Ils furent parfaitement entourés par le chœur et le ballet de l’Opéra Grand Avignon auxquels s’était joint en renfort le chœur de l’Opéra de Toulon, l’ensemble accompagnés et soutenus par l’Orchestre National Avignon-Provence en grande forme. Brillante ouverture donc pour une saison qui s’annonce « magique » (c’est son titre).

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