Avignon : Un éblouissant « Turco in Italia »
Treizième œuvre de Gioachino Rossini (1792-1868), âgé alors 22 ans, « Il Turco in Italia » (Le Turc en Italie) est un opéra bouffe en deux actes sur un excellent livret de Felice Romani, créé à Milan (Teatro alla Scala) en 1814. Il conte les mésaventures de Selim, un riche Turc, aimé par une bohémienne jalouse, Zaida, et par une napolitaine fantasque, Fiorilla dotée d’airs particulièrement virtuoses et mariée à un certain barbon Don Geronio ! Cette œuvre semble avoir déconcerté le public milanais à sa création et l’on note qu’elle a disparu des scènes italiennes de 1855 à 1950. Maria Callas la ressuscita en 1954, Montserrat Caballé lui emboita le pas puis plus récemment Cecilia Bartoli avec le succès que l’on sait. Cet opéra bouffe, tout d’allégresse, était, à l’Opéra Grand Avignon, mis en scène parfaitement par Jean-Louis Grinda (production de l’opéra de Monte-Carlo), dans des décors tout d’imagination de Rudy Sabounghi et des costumes plein de fantaisie de Jorge Jara. Les protagonistes étaient les talentueuses basses Guido Loconsolo (Selim), et Gabriele Ribis (Don Geronio) et cet autre amoureux éconduit, le bon et beau ténor Patrick Kabongo (Don Narciso); face à eux, les pétulantes Florina Ilie (Fiorilla), étincelante soprano colorature, et Josè Maria Lo Monaco (Zaida), non moins brillante mezzo-soprano. Toutes et tous se révélèrent en outre d’excellents comédiens sous la houlette du poète et dramaturge Prosdocimo que jouait et chantait à ravir le baryton Giovanni Romeo accompagné de cet autre bon ténor Blaise Rantoanina (Albazar). L’Orchestre National Avignon Provence et le chœur-maison étaient placés sous la fine baguette avisée du maestro Miguel Campos Neto bien connu à Avignon et qu’on a apprécié fort justement. Les musicologues et critiques musicaux qui soulignent à l’envie les qualités de cet opéra bouffe sur le plan musical – une riche et brillante orchestration toute d’inventivité mélodique en outre – insistent également et à juste titre sur celles du livret de Felice Romani qui imagina ce dramaturge Prosdocimo à la recherche d’un sujet pour sa prochaine pièce et qui le trouve dans ces personnages auxquels il donne vie et qui s’affrontent ici comme cent ans plus tard le fit Pirandello pour « Six personnages en quête d’auteur » (1921). On loua la mise en scène sprituelle et toute en finesse, pleine d’humour également, de Jean-Louis Grinda, au rythme échevelé et réglée au millimètre près. Que du bonheur !