« Le chevalier à la rose », un XVIIIè siècle fantasmé

« Le chevalier à la rose », un XVIIIè siècle fantasmé

Créé à Dresde en 1911, l’opéra « Le chevalier à la rose » de Richard Strauss, sur un livret de son ami et complice Hugo von Hofmannsthal, est un des sommets de l’opéra de tous les temps. S’inscrivant dans le brillant XVIIIe  siècle autrichien, celui de l’impératrice Marie-Thérèse, largement revisité, évoquant tout à la fois Mozart (Les Noces de Figaro) ou Rossini (Le Barbier de Séville) et la commedia dell’arte, mais s’inscrivant aussi dans l’esprit viennois du XIXe siècle, celui de la valse, c’est là une œuvre hors normes.Le jeune amant de la Maréchale, le chevalier Octavian est chargé, rite inventé par le librettiste, de remettre à la fiancée du baron Ochs, Sophie Faninal, une rose en gage de leur  prochain mariage. Mais Octavian tombe amoureux de Sophie, tandis que le baron Ochs lorgne en direction de la soubrette Mariandel qui n’est autre qu’Octavian travesti !…La distribution était cosmopolite mais d’une grande cohérence sur le plan vocal et dramaturgique : et d’abord la soprano belge Tineke Van Ingelgem dans le rôle de la Maréchale (qui se prénomme…. Marie-Thérèse comme l’impératrice !) toute d’émotion contenue, incarnation du temps qui passe, voix ample et soutenue ; à ses côtés, son amant, le jeune chevalier Octavian qu’incarnait à ravir la jeune mezzo allemande Hanna Larissa Naujoks qui, travesti, faisait subtilement illusion au 2e acte en homme costume Siècle des Lumières (photo) face à la jeune Sophie Faninal, la soprano colorature belge Sheva Tehoval qui, jolie voix mais à la personnalité peu affirmée, manquait quelque peu d’énergie ; face à ces dames, Mischa Schelomianski, superbe basse allemande d’origine russe, incarnait puissamment un baron Ochs, rustre et mufle  à souhait ; les autres interprètes se sont hissés au niveau des protagonistes, notamment dans le rôles des deux intrigants, Annina et Valzacchi, la soprano française Hélène Bernardy, une sorte de Mimi Marchand à la viennoise, et le ténor croate Kresimir Spicer, en paparazzi plus vrai que nature. La mise en scène d’une grande efficacité, confiée à Jean-Claude Berutti, s’inscrivait dans les décors bien venus  du monégasque Rudy Sabounghi, ornés par moments de projections en noir et blanc du film muet que réalisa en 1925, mais en costumes d’époque, le cinéaste allemand Robert Wiene ; les beaux costumes de cette production étaient signés Jeanny Kratochwil – oscillant entre XVIIIe et XXe siècles – ; tous trois experts dans ce répertoire. Fin connaisseur de Strauss, le chef néerlandais Jochem Hochstenbach dirigea les chanteurs ainsi que le chœur, la maîtrise de l’Opéra Grand Avignon et l’Orchestre National Avignon-Provence – dans la version orchestrale réduite en 2019 par le chef germanique Thomas Dorsch – avec une fougueuse maestria et un grand sens de la scène. Un grand et beau moment de rêve éveillé !

Les commentaires sont clos.